Les politiques de changement climatique aujourd’hui

par Colin Smith

16 avril 2012

Le 11 mars, un séisme énorme, et le tsunami en résultant, ont créé une situation catastrophique et dévastatrice pour les japonais, avec plus de 20 000 morts. L’histoire qui a dominé les actualités après la catastrophe naturelle du 11 mars, et qui fut une menace potentiellement plus dévastatrice et de plus longue durée, est l’histoire de la crise nucléaire centrée sur les réacteurs de Fukushima.

Avant-propos : Cet article est le second d’un cycle consacré aux questions écologiques. Le premier est paru dans Que Faire ? n°6 (février/avril 2011) avec le titre « Karl Marx faisait-il du tri sélectif ? », le troisième et dernier dans Que Faire ? n°9 et s’intitule « Changeons le monde, pas le climat ».

Cette crise nucléaire est une des indications les plus violentes de la contradiction profonde qui est toujours présente entre la société capitaliste et le monde naturel, et cela nous rappelle en même temps qu’il faut continuer à lutter contre ce système qui détruit à la fois la vie humaine et la nature. Six mois après le séisme, un autre rappel, bien moins sérieux, mais plus proche : l’explosion sur le site de retraitement de déchets nucléaires de Marcoule, qui a provoqué la mort d’un salarié et plusieurs blessés.

Dans le dernier article nous avons examiné la base théorique de cette contradiction, que Marx a appelé la rupture du métabolisme. Nous avons examiné comment la nature des relations entre les êtres humains (et leurs sociétés à différentes étapes de l’histoire) et le monde naturel sont déterminées par le travail (et la méthode avec laquelle ces sociétés organisent la production). Cela est vrai pour l’origine de notre espèce comme cela est vrai pour le capitalisme aujourd’hui. Le capitalisme mondial, qui est un système dans lequel le travail est aliéné, est aussi un système qui nous aliène de la nature. Cette rupture se manifeste de différentes manières, la plus importante d’entre elles aujourd’hui étant le changement climatique par le réchauffement de la planète.

Les origines du problème

Le changement climatique anthropique, c’est-à-dire le réchauffement de la planète lié à l’action de l’espèce humaine, n’est pas un problème à venir — il a bel et bien lieu maintenant. à l’origine du problème, il y a différents types de gaz [1] qui sont produits à travers le monde. Le plus important d’entre eux est le gaz carbonique (CO2). Ces gaz existent naturellement dans l’atmosphère à un certain niveau, et sont vitaux pour la vie sur Terre — ils absorbent et réémettent une partie de la chaleur du soleil qui est réfléchie par la surface de la terre, et maintiennent la température de la planète à un niveau où la vie peut exister.

Mais depuis la naissance du capitalisme et depuis les révolutions industrielles, le taux de production de ces gaz a augmenté progressivement et atteint aujourd’hui une croissance inédite. La raison principale de ce taux élevé de production de gaz carbonique est en fait l’utilisation de combustibles fossiles (le charbon, le gaz et le pétrole) qui est au cœur du système mondial du capitalisme. Le graphique ci-contre [2] donne une idée de la provenance des gaz à effet de serre (nous examinerons ces chiffres de manière plus détaillée dans le prochain article).

Le capitalisme mondial, qui est un système dans lequel le travail est aliéné, est aussi un système qui nous aliène de la nature

L’augmentation de la production de ces gaz à effet de serre fait évoluer la température mondiale dans le même sens — les preuves ne manquent pas : les mesures directes de la température de l’air, de l’élévation du niveau de la mer, du rétrécissement des calottes glaciaires et des glaciers.

L’une des conséquences de l’augmentation des températures est le changement des conditions météorologiques et les phénomènes extrêmes plus fréquents. Bien sûr, il n’est pas possible de dire qu’un évènement météorologique spécifique est le résultat du changement climatique. Mais on peut tirer des conclusions lorsque nous regardons les tendances de ces dernières années (voir l’encadré ci-contre concernant les informations pour 2010).

Un important dossier de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) datant de 2009 indiquait déjà que :

« Sur la base des estimations de l’OMS, quelque 150 000 décès surviennent chaque année dans les pays à faible revenu, en raison du changement climatique. Ils sont dus à quatre effets liés au climat : mauvaises récoltes et malnutrition, maladies diarrhéiques, paludisme et inondations. Près de 85% de cette surmortalité touche les jeunes enfants [3] ».

Cela est déjà extrêmement grave, mais ce n’est rien par rapport à ce qui pourrait se passer si nous continuons à produire des gaz problématiques comme nous le faisons actuellement. Il est difficile d’être exact dans les prédictions pour le futur. D’une part, le climat est un système très complexe, d’autre part, nous rejetons des taux inédits de gaz dans l’atmosphère, donc il n’y a pas de précédents. Mais une chose est sure : les différents modèles scientifiques de ce futur, on trouve un moment où la température, et les effets en résultant, commencent à augmenter de manière rapide et incontrôlable.

Lorsque nous additionnons ces effets multiples,
qui se renforcent mutuellement, nous pouvons
commencer à comprendre la réalité d’une situation
« en dehors de tout contrôle »

La raison pour laquelle une telle augmentation hors de tout contrôle est envisageable est que les différents effets influent les uns sur les autres. Nous pouvons prendre l’exemple de l’effet d’albédo, qui se rapporte aux calottes glacières. On voit déjà que
la hausse des températures fait fondre les calottes et que par conséquent, le niveau
de la mer augmente. Les calottes sont blanches et brillantes, et grâce à cela elles reflètent un peu de l’énergie provenant du soleil.

Si les calottes fondent, la surface réfléchissante diminue et la mer absorbe donc plus d’énergie solaire. Ainsi, la température augmente encore, ce qui fait fondre les calottes encore plus, ce qui fait diminuer les surfaces réfléchissantes et encore plus d’énergie solaire doit être absorbée — bref, le cycle se répète.

Lorsque nous additionnons ces effets multiples, qui se renforcent mutuellement, nous pouvons commencer à comprendre la réalité d’une situation « en dehors de tout contrôle ». Beaucoup d’analyses estiment que cela impliquerait l’extinction de la majorité des espèces mondiales. Un grand nombre d’humains mourront, peut-être que certains survivront. Mais nous pouvons imaginer d’autres problèmes résultant d’un tel phénomène : migration de masse, raréfaction des ressources et instabilité totale.

Donc, toutes les réelles solutions contre la menace de ce changement climatique doivent aborder la question de la réduction drastique de la production des gaz à effet de serre, et en premier lieu de gaz carbonique.

Si le nucléaire est la réponse, nous posons la mauvaise question

La catastrophe nucléaire au Japon a rouvert, de la manière la plus tragique qui soit, le débat sur la question du nucléaire. Confronté à l’horreur et à la destruction à Fukushima, Nicolas Sarkozy s’est empressé de défendre le nucléaire en France, responsable pour la majeure partie de notre électricité. Une des raisons qui a été donnée pour justifier une telle position est le changement climatique. La logique de cet argument est que la production d’électricité par le nucléaire n’implique pas de combustion de matériaux riches en carbone et que donc il ne produit pas de gaz carbonique.

Notre refus du nucléaire, qui doit être plus fort que jamais maintenant, devrait se baser sur deux points clés.

Le premier est la question de la sécurité. Les événements au Japon ont justement provoqué une réaction forte contre le nucléaire pour cette raison. Il ne faut pas croire que nous n’avons vu qu’un simple phénomène de catastrophe naturelle qui ne se reproduira pas. L’histoire des réacteurs de Fukushima est une histoire d’accidents et de mensonges. Il comprend d’autres incidents de fuite d’eau radioactive à cause des tremblements de terre, ainsi que de multiples accusations de falsification des contrôles et de violation des procédures de sécurité par Tepco, l’entreprise responsable de l’entretien des réacteurs de Fukushima. Depuis le 11 mars, nous avons vu la face cachée d’une telle compagnie privée de production d’électricité, la plus grande au monde, avec un flux continuel d’info­rmations contradictoires parfois camouflées — ce qui est toujours le cas avec une entreprise pour laquelle les profits sont prioritaires par rapport à la santé et à la sécurité, mais avec des conséquences potentiellement mortelles lorsqu’il s’agit d’une entreprise nucléaire.

Peut-être que cette catastrophe, ainsi que celle de Tchernobyl (pour laquelle les estimations des morts varient entre 4 000 et 35 000) resteront les plus connues, mais elles ne sont pas isolées. En premier lieu, le danger est le risque pris par les travailleurs dans les centrales nucléaires, souligné par la mort d’un salarié dans l’explosion à Marcoule, et par ceux qui doivent essayer de minimiser les effets et nettoyer les quartiers après de tels événements. En France, selon le réseau Sortir du Nucléaire, il y a 22 000 salariés précaires qui travaillent dans les centrales nucléaires et qui sont exposés aux pires dangers [4]. Mais la nature même des matériaux radioactifs fait que la vie naturelle peut encore être endommagée ou détruite, même loin de l’origine d’une explosion ou d’une fuite, et très, très longtemps après.

Nous pouvons imaginer d’autres problèmes résultant
d’un tel phénomène : migration de masse, raréfaction
des ressources et instabilité totale

Or ce n’est pas simplement le risque d’explo­sions et de fuites qui est problématique, même si ces évènements sont beaucoup plus fréquents que le lobby nucléocrate veut bien nous le faire croire. Il y a aussi la question des déchets nucléaires — les produits naturels des processus qui produisent l’énergie. Ces produits radioactifs sont très dangereux pour la santé, particulièrement en raison de leurs effets cancérigènes, et il n’existe aucune méthode pour les stocker en toute sécurité. Une des raisons en est la longévité de ces déchets toxiques. Il existe d’ailleurs une anecdote qui sert à démontrer ce point — il y a un débat entre des scientifiques et des autorités nucléaires sur la question du symbole à mettre sur les containers de déchets, car il est probable que le danger persiste après l’extinction de toutes les langues actuellement connues.

Mais, tous ces déchets dangereux ne sont pas intégralement stockés — l’uranium appauvri est utilisé, à cause de sa haute densité, dans la fabrication de munitions. Ces munitions, utilisées récemment en Irak notamment, posent un double danger – dans le cas où des munitions en elles-mêmes ne tuent personne directement, peut-être que la radioactivité le fera indirectement. Et bien sûr, le processus de production des armes nucléaires est profondément lié avec la production énergétique. Si aux états-Unis, la recherche sur la bombe fut à l’origine du nucléaire civil, il en fut tout autrement en France où le programme civil se révéla indispensable aux recherches sur la bombe atomique (un des nombreux points majeurs qui démontre bien l’hypocrisie du gouvernement français envers l’Iran face à la question du nucléaire).

Le deuxième point sur lequel baser notre rejet du nucléaire doit être la question du changement climatique et du gaz carbonique. Même s’il est vrai que la production d’énergie par le processus atomique des réactions en chaîne dans un réacteur produit très peu de gaz carbonique, cela n’est pas vrai du tout pour l’intégralité du processus.

L’uranium est la matière première clé pour la production de l’énergie nucléaire et le processus d’extraction de l’uranium produit du gaz carbonique. Par exemple, l’Olympic Dam, en Australie, est une des plus grandes mines au monde. À cause de sa taille et des méthodes d’extraction, cette mine est la cause de la plus grande partie des émis­sions de gaz carbonique de la région. Toutes les autres mines importantes d’uranium, comme celles du Canada ou du Niger — d’où la France importe la majorité de son uranium - sont responsables de la production de gaz carbonique ainsi que de beaucoup d’autres problèmes écologiques (utilisation massive d’eau, déchets radioactifs, etc.).

Après, nous pouvons prendre en compte le transport d’uranium, la construction de centrales, et les quantités immenses d’énergie utilisées dans les processus de purification de l’uranium (essentiel avant de l’utiliser à des fins civiles ou militaires). Toutes ces procédures produisent des émissions de gaz carbonique. Et les effets sont amplifiés du fait de la répartition des mines, des usines de transformation et des réacteurs qui se trouvent fréquemment à l’autre bout de notre planète.

Le processus de production des armes nucléaires
est profondément lié avec la production énergétique

De fait, il est très trompeur de regarder les chiffres relativement faibles (par rapport aux autres pays occidentaux) concernant le gaz carbonique émis lors de la production d’électricité en France car cette production est directement liée à d’autres émissions de gaz carboniques se situant en dehors des frontières françaises, mais qui ne sont pas pour autant prises en compte dans l’élaboration de ces chiffres concernant la France.

Donc, le rejet du nucléaire doit être basé sur une considération de la vie entière du processus, de l’uranium dans le sol jusqu’à la fin de la période pendant laquelle les déchets sont toujours dangereux. En considérant cette longue période dans le temps à travers le prisme de la sécurité et de la production de gaz carbonique, le besoin de sortir du nucléaire dès que possible devient évident et urgent.

Leur système et leurs solutions – les contraintes du capitalisme

Il n’y a pas de lien fondamental entre le capitalisme et la production des gaz à effet de serre, comme par exemple il y a un lien entre le capitalisme et l’exploitation. Le capitalisme ne peut pas exister sans l’exploitation, mais au moins théoriquement, il peut exister sans la production de ces gaz. Après tout, si le changement climatique détruit la majorité de la vie sur terre, cela menace également les capitalistes et leur raison d’être, c’est-à-dire leurs profits.

Cela est à la base de la prise en compte de ce problème depuis plusieurs années par une section de la bourgeoisie internationale, et des tentatives de leur part de faire quelque chose contre le changement climatique. Mais il y a toujours eu une contradiction au sein de cette position, une contradiction qui est à l’intérieur même du système capitaliste. C’est-à-dire que même si certains capitalistes, pris individuellement, ont une perspective sur le long terme sur comment garantir une certaine stabilité pour que le capitalisme fonctionne normalement, c’est la logique de ce système, plutôt que la logique de quelques individus, qui l’emporte.

La logique qui gouverne le système est une logique à court terme, à la recherche des profits. Les entreprises qui font les plus gros profits peuvent concurrencer plus efficacement leurs rivaux en faisant les plus gros investissements dans les nouvelles technologies, dans de nouvelles machines, de nouveaux appareils, etc. Bien sûr, cette logique n’est qu’à très court terme — sur le long terme un investissement dans ce « capital constant », surtout dans le « capital variable », c’est-à-dire les travailleurs, est désavantageux pour le taux de profit car c’est l’exploitation du travail humain qui crée les profits (voir l’article de Johan Paris sur le taux de profit dans Que Faire ? numéro 6).

Le rejet du nucléaire doit être basé sur une considération de la vie entière du processus, de l’uranium dans le sol jusqu’à la fin de la période pendant laquelle les déchets sont toujours dangereux

Cette logique est aussi une logique à court terme en ce qui concerne l’environnement. Nous pouvons imaginer un capitaliste vert qui investit de l’argent dans des projets écologiques, par exemple pour réduire les émissions du gaz carbonique. Ce capita­liste aura moins d’argent à investir dans les moyens de production qui lui permettraient de mieux concurrencer ses compétiteurs. Par conséquent sa position dans le marché sera affaiblie par rapport aux capitalistes qui n’investissent pas dans les projets verts et qui investissent plus dans les moyens de production plus performants par rapport à ceux de ses concurrents. La logique des profits à court terme est toute-puissante — le capitaliste vert doit décider entre des mesures écologiques très limitées (et donc inutiles pour la planète) et le risque grave de perdre par rapport aux autres et de faire faillite.

Ce qui est vrai pour un capitaliste individuel l’est aussi au niveau des états. Chaque unité de capital est basée dans un état, et chaque état est profondément lié aux capitaux présents dans ses frontières. Donc même s’il existe un gouvernement vert qui veut vraiment faire quelque chose contre le changement climatique, il est très limité par rapport à ce qu’il peut faire au niveau national (la régulation des émissions, les restrictions sur la fabrication des voitures, etc.) à cause de la concurrence internationale entre les autres états et leurs capitaux respectifs qui n’ont pas les mêmes restrictions et qui sont donc plus compétitifs. De plus, l’atmosphère n’a pas de frontières — donc pourquoi un état capitaliste, basé sur des frontières et sur la concurrence avec les autres états dans leurs frontières respectives, ferait quelque chose pour l’environnement à l’échelle mondiale alors que le prix à payer pour de telles actions est national ?

Cette contradiction entre la volonté de faire quelque chose pour l’environnement et les limites du système est également visible au sein de forces politiques comme Europe Écologie-Les Verts en France, et d’autres partis similaires à travers le monde. En tant que tels, et en l’absence d’une véritable force politique organisée par en bas, ils ont parfois réussi à capter les voix d’un public concerné, qui ne voit pas d’autres options viables sur ces questions. Mais lorsque nous entendons, dans les déclarations de telles formations politiques, qu’ils ne sont « ni de gauche, ni de droite » ou que l’écologie est plus importante que ces politiques, la réalité est qu’ils ne sont pas prêts à adopter la politique nécessaire pour faire face à cette contradiction – au lieu de cela, ils préfèrent l’ignorer. Donc, au bout du compte, ces politiques ont tendance à renforcer le statu quo.

Une autre section de la bourgeoisie ne veut rien faire du tout contre le changement climatique, ni même reconnaître l’existence du problème. De par la manière très spécifique avec laquelle le capitalisme a grandi à travers l’histoire, les combustibles fossiles sont aujourd’hui au sein même de ­l’opération du capitalisme. Ils sont devenus notre source d’énergie préférée bien avant que le changement climatique ne devienne un problème reconnu. Et, parallèlement à la croissance de ce système, l’utilisation de ces combustibles, ainsi que les capitalistes dans les entreprises qui les contrôlent, se sont également accrus. Selon le sondage le plus récent du magazine économique mensuel nord-américain Fortune, sept des dix entreprises les plus grandes au monde sont intimement liées avec les combustibles fossiles (dont cinq entreprises de pétrole/gaz, une d’électricité plus globalement, et une de voitures) [5].

Ces entreprises ont le pouvoir d’agir sur ce qu’elles veulent, au niveau des états et des politiciens, avec qui elles ont grandi et sont devenus fortement liées — nous pouvons nous rendre compte de la puissance de ces liens lorsque nous observons le favoritisme massif que le gouvernement donne à l’exploitation du gaz de schiste en France [6], par rapport aux énergies renouvelables. Cela est également flagrant à travers le soutien donné à ceux qui veulent nier l’existence même du changement climatique anthropique.

À ces groupes — ceux qui veulent agir mais sont complètement limités par la réalité
du système, et ceux qui ne veulent rien faire — il faut ajouter la crise économique. Cette crise aiguise la concurrence à tous les niveaux — entre les unités individuelles
de capital, et entre les états.

Le résultat de tout cela en est la répétition d’événements à l’échelle nationale et internationale, tels que les sommets de Copenhague et de Cancun, ou le Grenelle de l’environnement, qui sont « contre le changement climatique » mais qui, en réalité, sont au mieux une opportunité pour les politiciens d’essayer de s’afficher comme étant écologistes pour toucher un électorat qui s’inquiète de plus en plus de ces problèmes — 63% des français pensent que le réchauffement climatique représentera une menace sérieuse selon un sondage Ifop-WWF de mars.

Le capitalisme ne peut pas exister sans l’exploitation, mais au moins théoriquement, il peut exister sans la production de ces gaz

De plus, ce qui résulte d’une position encadrée par la logique du capitalisme est le recours constant au système lui-même pour résoudre les problèmes, et par conséquent l’omniprésence des solutions de marchés. Même si nous ignorons le fait que les marchés ont été complètement discrédités par la crise économique, ces « solutions » ont souvent été à l’opposé des solutions dont nous avons besoin maintenant [7].

Au pire, ces sommets et ces évènements internationaux sont utilisés afin de revenir sur les progrès limités faits auparavant.

Le sommet international de Copenhague en décembre 2009 en fut le pire exemple. Après tout l’espoir que ce sommet avait suscité en amont, la réalité fut toute autre : en présentant un « accord » comme fait accompli, un tout petit groupe de pays a détruit d’un seul coup le principe de discussion collective entre tous les pays, ainsi que le principe du taux de réduction d’émissions obligatoire fixé par l’accord de Kyoto (même si cet accord était lui-même déjà bien trop faible).

Il n’est pas surprenant de remarquer que les deux pays les plus importants de ce groupe sont deux rivaux économiques féroces et que ce sont eux qui ont le plus à perdre face à n’importe quel accord réel sur la rédu­ction des émissions de gaz carbonique — les états-Unis et la Chine (les deux pays qui produisent le plus de gaz carbonique).

Deux histoires, une ville – l’espoir pour l’avenir

Pour conclure, il est évident qu’il y a un gouffre massif entre l’échelle du problème et la réponse de la classe capitaliste. De plus, la taille de ce gouffre n’est pas un accident, et il ne peut pas être comblé par les actions des politiciens verts. Nous pouvons nous rappeler de l’espoir de quelques activistes écologiques avec l’élection de Barack Obama, après les années de Bush et le déni total du changement climatique. C’était un espoir qui s’est évaporé très rapidement après le rôle instrumental qu’Obama a joué à Copenhague dans l’obtention de l’accord mentionné ci-dessus.

La réalité est que les contradictions au cœur d’un capitalisme âgé sont beaucoup plus profondes qu’à l’époque durant laquelle Marx et Engels ont travaillé sur les questions écologiques. Ces contradictions sont aigui­sées par la crise économique, et le résultat
en est la paralysie, volontaire ou pas, de la bourgeoisie internationale confrontée à la crise écologique et à la manifestation actuelle de ce que Marx et Engels ont appelé la rupture du métabolisme.

La logique du capitalisme est le recours constant
au système lui-même pour résoudre les problèmes,
et par conséquent l’omniprésence des solutions de marchés

Heureusement, une autre force sociale est sur le terrain. Au moment même où Obama était en charge de faire dérailler le processus à Copenhague, une autre histoire était en train de s’écrire dans les rues de la ville même. Les divers éléments du mouvement écologique international ont convergé vers une énorme manifestation et une contre-conférence. C’est dans ce mouvement, et plus globalement dans le mouvement ouvrier, où nous devons chercher les vraies solutions. Et c’est seulement là que nous trouverons de l’espoir pour le futur de l’humanité et de notre planète. Ce sera le sujet du prochain et dernier article de ce cycle.


Des phénomènes météorologiques extrêmes en 2010

  • 2010 fut l’année la plus chaude jamais enregistrée, équivalente à 2005.
  • En 2010, un nombre record de pays (19) ont enregistré leurs plus hautes températures jamais mesurées.
  • Le Pakistan a enregistré une température de 53.5ºC — la température la plus haute que l’Asie ait jamais connue.
  • La Russie a subi une vague de chaleur à l’origine d’importants feux de forêt, ce qui a fait dire au centre de météorologie que « Jamais rien de tel n’est arrivé sur le territoire russe au cours de ces 1000 dernières années. »
  • Le nord-est du Canada a eu un mois entier où les températures étaient supérieures de 20°C par rapport à la moyenne.
  • En plus d’avoir été l’année la plus chaude, cela a également été l’année la plus humide.
  • De nouveau, le Pakistan a subi les inondations les plus graves de son histoire.
  • L’Australie a elle aussi connu des inondations extrêmes, avec une surface inondée de la taille de la France et l’Allemagne combinées. Dans une ville, la quantité moyenne annuelle de pluie est tombée en seulement 24 heures ; dans une autre, il est tombé 18 cm d’eau en l’espace de 30 minutes.
  • Le Brésil a vécu la catastrophe naturelle la plus mortelle de son histoire : 30 cm de pluie sont tombés en quelques heures dans plusieurs endroits.
  • Aux états-Unis, le Tennessee a été dévasté par ce que le journal anglais The Guardian a qualifié d’« un déluge qui n’arrive qu’une fois tous les mille ans »

Notes

[1Les autres gaz à effet de serre comprennent le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O), qui sont émis, entre autre, par des procédés agricoles. En France, selon les chiffres de l’Agence européenne pour l’environnement
(http://www.eea.europa.eu/themes/climate/ghg-country-profiles/tp-report-country-profiles/france-greenhouse-gas-profile-summary-1990-2020.pdf) le CO2 représente environ 75% des gaz à effet de serre (lorsqu’ils sont tous mesurés avec des unités de valeur équivalentes).

[2Ces chiffres pour l’année 2008 proviennent de l’Agence européenne pour l’environnement (les chiffres disponibles les plus récents).

[6Pour plus d’informations sur cette source d’énergie désastreuse pour l’environnement, voir le dossier spéciale dans Tout est à nous  !, l’hebdomadaire du NPA : http://www.npa2009.org/content/no-gazaran

[7Nous pouvons examiner un exemple simplifié du marché par rapport à l’échange de carbone. L’idée est qu’on donne à chaque pays un nombre de crédits qui permettent d’émettre une certaine quantité de gaz carbonique. Si un pays produit moins que ce quivlui avait été alloué, au lieu d’une simple réduction, ce système encourage le pays à vendre les crédits inutiles, permettant à un autre pays plus riche de produire ce gaz en plus de son quota. Et tout cela ne prend pas en compte ni la méthode de calcul pour attribuer les crédits, ni ce qui se passe quand ces marchés, comme tous les autres, s’effondre et que le prix du carbone chute.

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