Une dynamique politique à développer

par Denis Godard

14 décembre 2009

Le constat d’un recul des luttes depuis la rentrée de septembre a été un des points d’appui de nombreuses positions au sein du NPA en ce qui concerne les élections. Soit pour justifier une position « radicale » de témoignage. Soit pour justifier, à l’opposé, l’alliance électorale à tout prix pour ne pas désespérer les aspirations à l’unité.

Il est évident que nous ne sommes pas dans la même séquence de la lutte de classe qu’au printemps dernier. Pour autant il faut contester l’idée qu’il s’agit d’un reflux global. L’offensive générale a été paralysée par la politique des directions syndicales. En l’absence d’une direction alternative le mouvement n’a pas été capable de franchir l’obstacle de cette paralysie. Mais, comme un fleuve qui se divise en bras dans son cours vers la mer, il a donné naissance à deux formes de luttes.

Sur le terrain économique la combativité semble s’être reportée sur des conflits très localisés, souvent courts et parfois victorieux. En deux jours de grève les travailleurs de Continental de Sarreguemines ont empêché l’allongement de la durée du travail. Les ouvriers de Borgers ont gagné une prime de 600 euros et le remboursement de leurs trois jours de grève. Après une semaine de grève les 432 travailleurs de Servisair à Orly ont obtenu l’assurance de leur réembauche par le repreneur de leur entreprise. L’appel syndical à une journée d’action le 20 octobre à la SNCF s’est traduit par un niveau inhabituel de préavis locaux de grève. Les agents de conduite du RER B ont gagné après quatre jours de grève contre le rallongement de leurs journées de travail sans le soutien de la CGT. Chez Philips à Dreux, la section CGT a proposé « la création d’un conseil ouvrier [...] pour impulser la lutte de classe face au capitalisme et à ces patrons voyous, menteurs ».
Ces conflits locaux ne font pas qu’exprimer le potentiel de combativité des travailleurs. Ils permettent de leur redonner confiance en leurs propres forces.

L’autre forme de lutte qui marque la phase actuelle est le passage au premier plan de luttes à caractère politique, contre la privatisation de La Poste, pour les Sans-papiers, contre la précarité et sur le climat. Comme si l’incapacité de porter l’affrontement politique sur le terrain de la généralisation des luttes économiques avait entraîné celui-ci sur des questions spécifiques. Pour autant la phase précédente a charrié avec elle une avancée majeure. Car les luttes politiques les plus significatives de cette phase sont marquées par leur contenu de classe.

La deuxième vague de grèves pour la régularisation de Sans-papiers lancée par la CGT est bien plus large que la précédente et plus unitaire mobilisant plus de 5000 travailleurs sans-papiers, hommes et femmes et bloquant plus de quarante entreprises.

La votation citoyenne contre la privatisation de La Poste a été organisée par un spectre très large d’organisations et de syndicats donnant naissance à une multitude de réseaux unitaires locaux. Le résultat a dépassé les prévisions les plus optimistes avec 2 millions 300 000 signatures. Les jours suivants Olivier Besancenot appelait à manifester pour imposer un référendum.

Dans les deux cas il s’agit de thématiques politiques (des choix de société) qui peuvent mobiliser les travailleurs en tant que travailleurs, au sein de l’entreprise, à la fois contre leurs patrons et contre l’État. Inversement l’arme de la grève s’invite dans les mobilisations de quartier imprimant un caractère de classe aux luttes politiques.

Le NPA devrait être le propagateur et l’accélérateur d’une direction alternative qui a commencé à émerger comme l’a démontré le rassemblement extrêmemement radical organisé le 17 septembre par les entreprises en lutte du secteur automobile devant la Bourse de Paris.

Cette direction en formation ne pourra se poser en alternative que si elle décide de briser la division artificielle entre luttes économiques et politiques. Pour ne prendre qu’un exemple, l’offensive raciste actuelle pourrait devenir le pire des poisons pour les luttes sociales. De ce point de vue la plus grande faiblesse de la lutte des travailleurs sans-papiers est l’absence d’appel à une implication, dans la gève, des travailleurs qui ont des papiers aux côtés de leurs camarades.

Cela signifie aussi qu’il faut comprendre le lien entre mobilisations dans et hors l’entreprise. Les camarades du NPA qui ont défendu l’arme de la grève des postiers en l’opposant à la dynamique née de la votation ont commis l’erreur exactement inverse à celle des directions institutionnelles (sauf que dans le cas de celles-ci il s’agit d’une politique délibérée). Ils ont ainsi contribué à paralyser à la fois la politique de notre parti et cette dynamique (en refusant de lui donner des perspectives) ce qui a abouti au relatif échec des manifestations du 28 novembre et de la grève du 24 novembre. Or la mobilisation, dans les quartiers, des usagers de la Poste, serait un élément déterminant pour la confiance des salarié-e-s eux et elles mêmes. Et une mobilisation conjointe salariés-usagers au travers de comités locaux permettrait de commencer à poser, au-delà de l’opposition à la privatisation, la question du type de services publics qui correspondent à nos besoins et donc de leur contrôle conjoint par les salarié-e-s et les usagers.

Les débats sur les élections régionales de mars 2010 prennent un sens dans ce contexte. Le NPA a été à l’initiative dès l’été dernier de réunions unitaires en mettant au premier plan l’idée que des listes unitaires devaient porter une dimension claire d’opposition et d’alternative aux politiques de gestion capitaliste de la crise. Le cycle ouvert par les grèves de l’hiver 1995 en France se poursuit. L’enjeu est de faire émerger, à partir des différents fronts de lutte et des élections, des formes d’organisation des travailleurs, de la jeunesse et de la population des quartiers qui soient à la fois des bases de résistance aux attaques et les germes d’une alternative aux logiques capitalistes. Regrouper les forces pour cela est crucial mais ce regroupement se désarmerait s’il n’excluait pas la perspective de co-gestion régionale ou locale avec le PS.

Le NPA peut et doit avoir un impact plus important sur les processus en cours. La condamnation des directions traditionnelles, l’opposition de principe au capitalisme et les incantations à la grève générale ne suffiront pas pour cela. La nécessité de favoriser le regroupement des éléments les plus déterminés des différentes luttes exige d’unifier le parti autour de combats lisibles, soulevés par la situation concrète, qui permettent de faire avancer le mouvement dans une stratégie globale de confrontation avec la logique du capitalisme.


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