Le PCF face à ses contradictions

par Hendrik Davi

15 septembre 2009

Du 24 au 27 mars derniers, le PCF a tenu au Bourget son 33e congrès. Après les années Hue qui manquèrent de détruire le parti, la stratégie d’ouverture et de radicalisation de Buffet, lui a permis de retrouver des forces. Néanmoins ses contradictions internes ne lui permettent pas de définir une orientation claire. Etats des lieux d’un parti, qui du NON à la constitution européenne à la lutte contre le CPE, a été ces derniers temps un allié.

Depuis 1995, nous observons un renouveau des luttes, associées à une radicalisation et à une généralisation politique d’une partie de ce qu’on appelait communément le ‘peuple de gauche’. Dans la sphère des idées, ceci s’est traduit par la renaissance d’un réformisme radical (porté par Attac) et une augmentation de l’audience des idées révolutionnaires. Ce renouvellement, à gauche est aussi permis par la poursuite du déclin du PCF et sa perte d’hégémonie. Pour enrayer ce déclin, sous la pression de sa base et suite à une analyse critique de ses différentes participations aux gouvernements de gauche, le PCF a fortement radicalisé son discours. Le 32e congrès du PCF a marqué un tournant, M.-G. Buffet y a rappelé avec insistance la nécessité d’une révolution (elle a utilisé six fois la phrase « il y a besoin de révolution » [1]. Cette radicalisation associée à une ouverture aux mouvements sociaux lui a permis de rebondir lors des élections régionales et surtout lors de la campagne victorieuse contre le référendum portant sur la constitution européenne. Mais ce processus accentue la contradiction entre la base radicalisée et les intérêts électoralistes, qui rendent la compromission avec le PS quasi indispensable. La recomposition à gauche rend possible l’émergence d’une nouvelle force en rupture avec le libéralisme. Le choix des tactiques à adopter en vue de la création de cette nouvelle force requiert toutefois une analyse détaillée de la nature et de l’histoire des parties qui composent la gauche radicale ; le PCF, en est l’élément partisan central. Sa situation actuelle et son histoire donnent des éclairages sur les tactiques que les révolutionnaires peuvent engagées vis-à-vis de lui.

État du PCF et nature des contradictions qui le traversent.

Figure 1 et 2

Le PCF compte aujourd’hui près de 135 000 membres (voir figure 1) et pèse entre 5 et 10 % dans l’électorat (figure 2). Ce parti est en fort déclin. Pour mémoire, il comptait 800 000 adhérents à la Libération et faisait plus de 25 % aux élections législatives. Ce déclin se traduit par une baisse du nombre de militants, une chute des scores électoraux, une diminution du lien partisan et un renforcement du processus d’institutionnalisation. Une enquête réalisée au Cevipof montre que les adhérents communistes ont aussi profondément évolué entre 1979 et 1997. Le PCF est aujourd’hui vieillissant, avec environ un quart (24,4 %) d’adhérents âgés de 60 ans ou plus, et 10,5 % de moins de 30 ans. Près du quart (24,5 %) des adhérents communistes est retraité. La majorité des communistes (61 %) est arrivée au Parti communiste avant 1990. Parmi les communistes qui exercent une activité professionnelle, le poids des ouvriers s’amenuise : ils représentaient 45,5 % des adhérents en 1979, ils ne sont plus que 31,3 % aujourd’hui. Les professions indépendantes (agriculteurs, commerçants) ont quasiment disparu et ne représentent plus que 4,8 % de l’ensemble des adhérents. En revanche, la part des employés (32,9 %), des professions intermédiaires et cadres moyens (19,8 %), des professions libérales et cadres supérieurs (11,3 %) augmente. Si le PCF reste un parti à dominante ouvrière et employée, ce qui fait toujours sa singularité, il enregistre les transformations de la société française. 23,5 % des adhérents communistes de 1997 sont chômeurs ou inactifs (principalement étudiants), proportion moindre cependant que dans la population française globale. La seule caractéristique que le PCF d’aujourd’hui conserve intacte par rapport à 1979 est sa forte féminisation, avec 39,6 % d’adhérentes. Le lien militant est devenu plus faible, environ un tiers des communistes n’a pas d’activité militante réelle. Les adhérents récents, jeunes, ouvriers et employés sont moins investis dans la vie partisane que les hommes, âgés de plus de 40 ans, adhérents depuis plus de 10 ans. De plus, au cours des années 80, avec la diminution de l’engagement politique, le processus d’institutionnalisation du PCF s’est accentué. Les 11 000 élus (sur 135 000 encartés) représentent un poids organisationnel et financier important. Un ancien responsable du parti dans le bassin de Longwy rapporte : «  Les élus aujourd’hui c’est la queue de la comète, c’est la seule chose qui reste au PCF, (…). La fédération est une coquille vide ». Julian Mischi dans son analyse du PCF ajoute « Dans les fédérations, la présence militante s’efface, les réunions se tiennent avant 18H et les bénévoles de l’institution laissent la place à des professionnels absents le week-end : permanents, personnels administratifs, élus. » [2]. Mais parallèlement, il se produit aussi une distanciation idéologique et pratique (moins de médiation par le biais de la bureaucratie du parti) entre l’adhérent et le parti. De ce fait, les membres et les sympathisants du PCF sont plus ouverts pour des actions communes avec les révolutionnaires. Malgré tout, le PCF dispose encore d’un capital de sympathie et d’un appareil militant très important comparativement aux autres forces de gauche.

Historiquement le PCF a été le parti de la classe ouvrière. Le parti du congrès de Tours était un parti représentatif de la classe moyenne avec une sur-représentation des intellectuels de masse (instituteurs), mais sous l’impulsion de l’Internationale, le PCF va avoir une politique volontariste de recrutements et de promotions des ouvriers. La prolétarisation du parti va s’effectuer avec succès au début des années 20 : en 1920, 19 % des membres du comité central sont ouvriers, ils sont 52 % en 1936. Cette ouvriérisation du parti a eu comme corollaire une implantation historique forte dans l’électorat ouvrier. Implantation qui malgré une désaffiliation existe encore aujourd’hui. Rappelons qu’aux régionales 2004, 38 % des ouvriers ont voté pour les listes PS-PCF ou Verts (et 41 % des gens ayant des revenus de moins de 760 €), contre 32 % pour le FN et 11 % pour les listes LO-LCR (Sondage Sofres). Le décrochage de la classe ouvrière vis-à-vis de la gauche réformiste et du PCF est donc encore relatif. Une autre caractéristique du PCF, est son lien organique avec le mouvement ouvrier organisé (notamment la CGT). Ce lien organique entre le parti et le syndicat ne s’est pas fait dès la création du PCF mais après sa bolchevisation. En effet, l’ancienne direction du PC, issue de la SFIO était attachée à l’indépendance syndicale. Le PCF n’acheva donc la conquête de la direction de la CGTU qu’en 1930. Les liens avec la CGT demeurent encore aujourd’hui forts même si la CGT n’est plus une simple courroie de transmission. Entre 1999 et 2003, B. Thibault (secrétaire général de la CGT) s’est s’attelé à défaire les liens officiels entre le PCF et la CGT. La rupture du lien organique avec le PCF est une réponse au déclin du PCF et au repositionnement stratégique de la CGT dans l’espace laissé vacant par la CFDT. Néanmoins, les liens officieux demeurent très importants. Rappelons que Thibault était membre du conseil national du PCF. En 1999, 15 membres sur 17 du bureau confédéral de la CGT, étaient au PCF. Aujourd’hui encore, 80 % des secrétaires d’unions départementales ont leur carte au parti. Si le PCF est peu implanté dans ‘la nouvelle’ classe ouvrière (employés précaires dans les services), il garde donc une forte influence dans certains grands bastions (SNCF, RATP, métallurgie, automobile).

Idéologiquement, le PCF est depuis un grand nombre d’années acquis au réformisme. Il tâcha d’éviter la confrontation avec l’Etat dans les luttes en 1936, 1945 et 1968, il a toujours fait reprendre le travail aux grévistes, utilisant un discours « responsable » qui protégeait constamment in fine les institutions et l’État français. Après 1945, au pouvoir, il couvrit les pires exactions de la France coloniale (Algérie en 1945, Indochine en 1946, Madagascar en 1947). Il participa à de nombreux gouvernements de gauche dans l’après guerre (1945 et 1957) et depuis 1981. Enfin, dans les années 1970, il assuma un virage idéologique vers le réformisme qui s’est traduit par une série de théories économiques sur l’aménagement du capitalisme : la sphère financière serait responsable du gaspillage des richesses et une politique de nationalisations permettrait de remettre de l’ordre dans l’économie [3]§ Herzog en 1982, dirigeant du PCF, a même une formule pour le moins révélatrice : « Si des sacrifices pouvaient être efficaces, les travailleurs les consentiraient, ils ont le sens du devoir national. » Un autre exemple est la politique de collaboration de classes qui se traduit par un soutien aux PME face aux multinationales "démoniaques". Le dépassement du capitalisme est toujours envisagé, mais de façon ‘graduelle’. Parti de la résistance, le PCF a toujours eu un discours nationaliste. Par exemple, dans les années 80-90, la réponse du PCF au chômage n’est pas la réduction du temps de travail, mais le « Produisons français ».

Parti encore symbolique pour la classe ouvrière, le PCF est tiraillé entre une base radicalisée par les luttes et un appareil dont la survie dépend de ses élus. La dynamique à la base devrait permettre un décrochage du PCF vis-à-vis du PS, mais ce projet est contradictoire avec le maintien d’un grand nombre d’élus qui rend nécessaire les accords électoraux avec les socio-libéraux. Une autre contradiction est issue de la réforme de R. Hue, qui a poussé à l’ouverture du Parti alors que l’appareil, mis en difficulté à cause du repli électoral, est loin de vouloir céder la place. Enfin, le discours radical du PCF débouche presque toujours sur des propositions à faire adopter par les institutions : parlant de la guerre en Irak, M-G. Buffet indiquait « Une guerre qui en fait, couvre des luttes d’intérêt, des volontés de domination qui sont les fondements du capitalisme. C’est dans la guerre qu’il dévoile son visage le plus terrible. Le conflit en Irak n’a que trop duré. » [4]. Ces propos résument la politique du PCF : radicalité du discours, voux incantatoires, confiance dans les institutions capitalistes les plus antidémocratiques et forme de nationalisme. En actes, cela revient presque toujours à limiter l’auto-organisation des masses. Néanmoins, ce discours réformiste à un écho et une certaine cohérence malgré ses contradictions. Lors d’une remontée des luttes économiques et politiques le PCF peut bénéficier de la situation et être le pilier d’un pôle radical. Ce fut notamment le cas pendant la campagne du 29 mai.

Retour sur le congrès de Tours :

Comment dans le passé les révolutionnaires ont tiré parti des contradictions existantes dans la SFIO.

Le PCF est né au congrès de Tours en 1920 de la scission de la SFIO (Section française de l’internationale ouvrière). Cette scission a comme double origine, l’incapacité de la IIe Internationale à empêcher la guerre de 1914-1918 et la victoire des Bolcheviks en 1917. La scission a eu lieu lorsque la question de l’adhésion à la IIIe Internationale s’est posée. Cette adhésion était soumise à l’adoption de 21 conditions, visant à transformer les anciens partis sociaux démocrates européens en des partis révolutionnaires dont l’organisation et le fonctionnement étaient calqués sur le parti bolchevique. Ces organisations devaient être des organisations de combat permettant l’extension de la révolution. Au congrès de Tours, la SFIO est un parti de 180 000 membres où coexistent trois grandes tendances : à ‘droite’ les socialistes ayant justifié l’union sacrée auxquels appartenait la majorité des élus (mais aussi Jouhaux le secrétaire générale de la CGT), au centre les pacificateurs ou reconstructeurs hostiles à la guerre mais méfiant vis-à-vis des bolcheviques et à gauche les pro-bolcheviks [5]. Les bolcheviks étant minoritaires, une adhésion à la IIIe internationale sur des bases claires et sans alliance ne semblait pas possible. L’adhésion va être permise par une alliance entre le centre et la gauche du parti. Mais la base de cette adhésion est floue et le demeurera plusieurs années : les 21 conditions et donc la nature du nouveau parti ne sont pas clairement mentionnées dans les textes du congrès de Tours. A ce sujet, P. Robrieux rapporte : « Pour d’autres, les plus nombreux, il suffisait d’ouvrir la vieille maison à l’air du temps. Il s’agissait de rénover et non de révolutionner le Parti. Se proclamant fidèles à l’esprit de synthèse qui avait animé Jaurès, ceux-là voulait injecter du bolchevisme dans l’organisme du vieux socialisme français » [6]. Au moment où s’ouvre le congrès de Tours, chacun sait que l’adhésion est acquise mais nul ne prévoit qui acceptera de suivre la majorité. Après de longs débats, la droite de la SFIO quitte le nouveau PCF ; mais elle entraîne avec elle qu’une minorité des militants (40 000 adhérents) et la majorité des élus. Alors que les révolutionnaires sont minoritaires, une majorité de l’ex SFIO adhère à la IIIe Internationale. « Plus que telle ou telle interprétation doctrinale du marxisme, le prestige de la première grande révolution socialiste victorieuse, la colère des nés de la guerre, la soif d’actions et la volonté de renouvellement et les aspirations (…) au grand règlement de compte avec le socialisme d’union sacré » [7] ont permis cette adhésion massive. Mais le congrès de Tour n’en est pas moins un compromis.

En 1921, le nouveau PCF est un parti jeune de 120 000 membres avec 150 000 à 200 000 sympathisants. Il possède cinq quotidiens, 40 hebdomadaires et l’Humanité tire à 200 000 exemplaires… C’est un parti qui représente essentiellement la classe ; le premier comité directeur ne comprend que deux ouvriers et une majorité d’instituteurs. Après la bolchevisation du parti, la direction essaiera de corriger ‘ce travers’ par une politique ouvriériste. Le compromis de Tours va être paradoxalement pérenne début 1921 et ce pour plusieurs raisons : la direction de la gauche du parti (Souvarine et Loriot) est en prison depuis le congrès suite à l’affaire des chèques [8]. Le clivage entre la gauche et la droite portait sur le caractère révolutionnaire du parti et sa soumission totale à l’internationale. Or début 1921 la direction russe de l’internationale n’intervient plus dans les affaires internes du PCF, car elle est occupée par les suites de la révolte de Kronstadt et par la mise en place de la NEP. De plus, les années 1920-1921 marquent un tournant dans la lutte des classes à l’échelle internationale, après l’échec des révolutions italiennes et allemandes on assiste à un reflux des luttes. Le caractère révolutionnaire du parti n’apparaît plus autant d’actualité et le parti ne se transforme pas véritablement. Dans un premier temps, il conserve les statuts de la SFIO et notamment le droit de tendance et l’élection de la direction à la proportionnelle des tendances. La subordination au Komintern va se faire progressivement. Au début c’est surtout l’autorité morale des dirigeants soviétiques et leur soutien financier qui pèse. La pression s’accentue durant l’été de 1921, Trotsky écrit une lettre au comité directeur du PCF demandant l’ouvriérisation du parti, sa professionnalisation, sa centralisation et sa discipline. Les débats vont se focaliser sur la création d’un bureau politique restreint, mieux à même de diriger le parti que le comité directeur d’une trentaine de membres. Au cours de l’automne, trois autres débats vont enflammer le parti : le lien avec les syndicats, le contrôle de la presse et la tactique du front unique. Les membres du centre et de l’ultra gauche vont fortement s’opposer à ces demandes faites par l’Internationale. La tactique du front unique est notamment incompréhensible pour un parti issu de la scission de la SFIO et la liberté de la presse, ainsi que l’indépendance syndicale, sont très ancrées dans les traditions de la gauche française. Les critiques du centre vont se focaliser sur Souvarine, membre historique de la tendance bolchevique du PCF et chargé des relations avec l’Internationale. La pression de l’Internationale va en réaction aboutir lors du 1er congrès du PCF (25 décembre 1921) à l’affaiblissement de la gauche du parti et à l’éviction de Souvarine. Ce dernier était pourtant un des seuls à avoir une formation marxiste et à entrevoir une bolchevisation « intelligente » du PCF. Néanmoins, l’Internationale va réussir à prendre le contrôle de la direction du PCF au IVe congrès mondial à Moscou en 1922. Pour cela, elle va en divisant le centre, réorganiser la direction sortante du PCF, issue du second congrès d’octobre 1922 (50 % centre, 50 % gauche). Ce précédent est très grave, un congrès de l’Internationale réorganise une direction élue d’un des partis avec des pratiques pour le moins douteuses [9] ; il marque le début de la russification du parti.

De ce bref rappel historique, on doit d’abord noter que le PCF se construit en terme de militants, d’idéologie et d’organisation à partir de l’ancienne SFIO. D’autre part, le PCF est le seul parti communiste de masse à s’être développé dans un contexte démocratique avant la guerre (le PCI ne deviendra un parti de masse qu’après la guerre et le KPD ne survivra pas au nazisme). Le processus de sa fondation est intéressant à plusieurs niveaux. C’est un processus composite qui n’est pas idéologiquement pur ; il est permis par une radicalisation massive de la base qui s’oppose à un appareil réformiste discrédité par la guerre et par l’existence d’un pôle révolutionnaire. Ce processus est certes inachevé mais il représente dans un premier temps une réussite, qui donne à la classe un outil militant puissant (malheureusement dans une phase où le reflux s’amorce). Cela donne ainsi une idée des mécanismes qui peuvent contribuer à des ruptures au sein du réformisme et entraîner une portion importante des masses lors de périodes de radicalisation. D’autre part, analyser le caractère réformiste du PCF à partir de sa seule stalinisation est faux. Il n’y a pas un PCF révolutionnaire bolchevique pur qui serait intégralement devenu réformiste à partir de sa stalinisation, par la soumission des intérêts de la classe aux intérêts de l’URSS. C’est un processus plus complexe où le caractère réformiste/ révolutionnaire est demeuré non tranché depuis son origine. De la même façon, ses caractéristiques comme l’ouvriérisme ou son républicanisme, viennent en partie de ces origines et sont des caractéristiques de la gauche française avant 1920 (anarcho-syndicalisme et socialisme républicain). Enfin, la russification du parti prend ses racines avant la dérive stalinienne. Les leaders de l’Internationale acculés par une situation défavorable se réfugieront mécaniquement dans la reproduction de ce qui avait fonctionné en terme d’organisation en Russie. Lénine alors malade reconnaîtra partiellement cette erreur lors du quatrième congrès de l’Internationale.

Quelles leçons ?

Revenir sur l’histoire du PCF aujourd’hui présente deux intérêts. L’analyse de son histoire permet tout d’abord de mieux comprendre comment se construit un parti, une identité et une direction politique. Le PCF se situe à la fois dans la continuité de la gauche française (ouvriérisme et anti-intellectualisme) et en rupture avec celle-ci (organisation du parti, encadrement des membres, lien avec les syndicats). Sa création a été un processus composite, qui a permis malgré tous ces défauts, une organisation et une représentation de la classe ouvrière. Les Bolcheviks français ont su gagner la majorité du parti issue de la SFIO par une alliance avec le centre et en s’appuyant sur les éléments radicalisés de la classe ouvrière. Ce succès donne des pistes pour les recompositions en cours dans la gauche européenne. Il est aussi intéressant de voir que le PCF s’est éloigné de la classe ouvrière en refusant d’appliquer au début la tactique du front unique et quand il a opéré la stratégie classe contre classe sectaire vis-à-vis des autres socialistes. Les dirigeants du PCF se sont trompés sur l’extinction du Parti socialiste français. Trotsky à ce sujet notait que « Il est bien trop facile de parler du Parti socialiste français comme moribond et de dire que seuls quelques travailleurs voteront pour lui. C’est une illusion. Le Parti socialiste français est l’organisation électorale d’une fraction considérables de masses ouvrières passives et semi passives. Les communistes, avec une organisation et une presse bien plus forte, ont obtenu considérablement moins de voix que les socialistes. »

Le deuxième point intéressant est l’analyse de l’état actuel du PCF et la résolution probable des contradictions existantes en son sein qui déterminera son avenir. Il ne faut pas envisager la résolution de ces contradictions de manière mécaniste mais dialectique. Son déclin, son passé réformiste, le poids de l’institutionnalisation laisse présager une transformation réformiste comme celle qui s’est produite au parti communiste italien. C’est cette orientation, prise par la ligne de Hue, qui amené le PCF dans la gauche plurielle. Pourtant, cette ligne a été temporairement rejetée. Pourquoi ? Première explication, la base a été redynamisée par la remontée des luttes et offre un contrepoids organisationnel aux élus. Deuxième élément, la logique d’adossement au PS mène à l’impasse électorale aussi car petit à petit le PS grignote l’électorat du PC. Troisièmement, l’existence d’une dynamique ouverte à gauche du PC (politique de front unique de la part de l’extrême gauche et initiatives unitaires) empêche une reconversion totalement réformiste du PC. Ceci explique l’équilibre relatif de la direction actuelle qui ménage à la fois alliance avec le PS, combativité et discours anticapitaliste.

Le sens de la résolution des contradictions historiques du PCF dépend maintenant du cours de la lutte des classes et des initiatives des révolutionnaires.

Les « tendances » du PCF aujourd’hui

(source Wikipédia)

Les tendances n’existent pas au sein du PCF. À l’origine, ceci était lié à la conception centraliste démocratique du Parti. Cependant, cette interdiction est demeurée après le 28e congrès qui, en 1994, a officiellement rompu avec le centralisme démocratique. Les nouveaux statuts du PCF, issus du 31e congrès, stipulent : « Ainsi, nous faisons le choix de faire du pluralisme de droit un principe de notre mode de fonctionnement. Pour autant, les communistes ne veulent pas que cela se traduise par un fonctionnement en tendances. ». Cependant, on peut identifier au sein du PCF des « tendances » ainsi que des groupes politiques, qui s’affirment notamment lors des votes internes (adhésion au Parti de la Gauche européenne, constitution des listes, textes d’orientation, ...).

1) Les "tendances" liées à l’actuelle majorité

Les partisans de la ligne politique de Marie-George Buffet : ils dirigent le parti et défendent le principe d’une autonomie par rapport au Parti socialiste, tout en en faisant un allié potentiel, au même titre que les autres forces de gauche (LCR, Verts, alternatifs), que les altermondialistes (Attac…) ainsi que toutes les composantes du mouvement social.

Les partisans de la ligne politique de Robert Hue ou "Huistes" : ils défendent le principe d’une alliance privilégiée avec le Parti socialiste dans le cadre de la "Gauche plurielle". Le rôle du PCF serait d’influer sur l’orientation de la ‘Gauche plurielle’, pour une meilleure représentation du monde du travail. Il devrait mener liste commune avec le PS, au moins lors des échéances nationales et régionales.

Les ‘refondateurs ’ (rénovateurs) proches de Patrick Braouezec et Roger Martelli, alliés critiques de la direction Buffet, qui souhaitent un dépassement de la forme-parti, et une réflexion sur de nouvelles logiques d’organisation fondées sur le mouvement social. Des militants proches de ce courant éditent le bulletin Communisme en mouvement.
Ces trois premiers groupes forment la majorité du Parti.

2) Les minoritaires

Les anciens partisans de la ligne politique de Georges Marchais comme Nicolas Marchand et Yves Dimicoli ont formé le réseau Action Novation Révolution : ils défendent le principe d’un PCF autonome par rapport au PS tout en étant en faveur d’une nouvelle Union de la Gauche avec un rééquilibrage de l’alliance en faveur du PCF. Ils s’opposent moins à la direction sur les actions politiques et les campagnes que sur les questions stratégiques et sur la visée de fond du PCF (ANR s’affirme révolutionnaire et remet en cause les orientations de la direction, qu’ils jugent évolutionnistes ou réformistes).

Les ‘orthodoxes’ de la fédération du Pas-de-Calais étaient au départ opposés à l’appareil et se sont rapprochés depuis de la ligne majoritaire.

La Gauche communiste de Jean-Jacques Karman Fièr(e)s d’être Communistes, regroupement de l’aile gauche du PCF qui répond ainsi a un slogan de la direction « fier d’être à gauche », avec comme personnalités André Gerin, Jacky Hénin, Freddy Huck, Henri Martin, Jean-Jacques Karman, Jean-Claude Danglot. Elle s’oppose à ce qu’elle appelle la mutation réformiste et propose de remettre le parti à l’avant-garde en revenant aux fondamentaux marxistes. Elle s’oppose fondamentalement à toute candidature unique et à plusieurs campagnes de la direction actuelle, en particulier celle des forums populaires. Des militants de ce réseau ont ouverts le site Altercommunistes .

Colère et espoir, association fondée par Maxime Gremetz. Elle s’oppose à la majorité sur plusieurs points, notamment sur la création du Parti de la Gauche européenne et se prononce pour une « reconstruction » du PCF.

Section du PCF Paris 15e, elle s’oppose fondamentalement à la mutation réformiste qu’elle estime engagée depuis 1994 et propose la rupture en remettant le PCF sur les rails de la lutte des classes.

Notes

[1Texte de clôture du 32e congrès du PCF, 6 avril 2003, Marie George Buffet, Secrétaire Nationale du PCF

[2La recomposition identitaire du PCF : modernisation du parti et dépolitisation du lien partisan, Julian Mischi, Docteur en science, Communisme (N°72-73, 2003, pp. 71-99).

[3Ibid 2.

[4Ibid 3

[5Le PCF et l’économie, Michel Husson, Critique communiste. Histoire intérieure du parti communiste 1920-1945. Philippe Robrieux. Editions Fayard. 571p

[6Ibid 5

[7Ibid 5

[8Aide du Kominterm interceptée par la police avant le congrès de Tours.

[9Pour arriver à ces fins, Trotsky utilisera le fait qu’une partie des membres du centre du comité directeur du PCF était à la Franc Maçonnerie...


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